La guerre se joue désormais dans l’espace
Publié dans le magazine Books n° 119, mai-juin 2022. Par Rachel Riederer.
Toutes les informations dont les militaires ont besoin sont aujourd’hui collectées et relayées par des satellites. Les trois grandes puissances sont embarquées dans une compétition technologique destinée à maîtriser les armes antisatellites. Cette concurrence fait monter d’un cran les risques d’erreur d’interprétation entraînés par la prolifération de ces armes.
Fin janvier 2020, sur une orbite située à quelque 640 kilomètres au-dessus de la Terre, deux engins spatiaux russes non habités se sont approchés d’USA-245, un satellite de reconnaissance américain (de type KH-11, valant des milliards de dollars, doté de systèmes d’imagerie aussi performants que ceux du télescope Hubble). À cette altitude, un voyageur aurait vu notre planète comme une courbure verte et brune. Il aurait discerné les crêtes déchiquetées des montagnes, les contours des lacs, notre atmosphère blanche arquée autour de l’astre, virant au bleu sombre puis au noir. Depuis un télescope ordinaire, les satellites s’apparenteraient à de petits scintillements dans la nuit, dont les panneaux métalliques réfléchissent la lumière du soleil tels de lointains pare-brise. Les engins russes s’étaient positionnés inhabituellement près d’USA-245 dans une orbite quasi identique, en synchronisant leur trajectoire avec la sienne de telle sorte que l’un ou l’autre s’en approchait à moins de 20 kilomètres plusieurs fois par jour. Il arrive que deux satellites, s’ils sont sur le...