Les dessous du match du siècle
Publié dans le magazine Books n° 118, mars-avril. Par Daniel Johnson.
En 1972, à Reykjavík, en pleine guerre froide, se déroula le duel le plus célèbre de l’histoire des échecs entre deux hommes que tout opposait. D’un côté, l’Américain Bobby Fischer, de l’autre le Soviétique Boris Spassky, champion du monde en titre. L’enjeu débordait largement les cases de l’échiquier.
La deuxième partie du poème de T. S. Eliot, La Terre vaine, intitulée « Une partie d’échecs », est interrompue par une voix de plus en plus forte et insistante qui répète : « Pressons-nous s’il vous plaît il est l’heure. » La phrase résume bien l’humeur qui régnait dans le monde des échecs au début de 1972. Enfin, la confrontation que la planète attendait allait avoir lieu. [...]
Si Spassky se préparait à l’aide d’un régime à base de bon air, de plats raffinés et d’aussi peu d’échecs que possible, Fischer choisit l’extrême inverse. Claquemuré dans l’enceinte de Grossinger’s, un complexe hôtelier dans le nord de l’État de New York, il n’émergeait de sa chambre que pour se nourrir et faire de l’exercice. Le régime casher de Grossinger’s, qui respectait le sabbat, plaisait à Fischer, dont la secte chrétienne fondamentaliste appliquait à la lettre la Loi mosaïque. Partout où il allait, il emportait...