Préférez-vous les lunettes roses ou les lunettes sombres ?
Publié dans le magazine Books n° 113, mai 2021. Par Anthony Gottlieb.
Nous souffrons d’un biais contre les bonnes nouvelles et entretenons une vision du monde exagérément dramatique. Il en résulte une profonde méconnaissance des réalités. Mais faire ce constat présente le risque d’exagérer en sens inverse, de chausser les lunettes d’un optimisme béat et de faire le procès des oiseaux de malheur en oubliant les services rendus par les pessimistes.
Santé, richesse, alimentation, paix, environnement, droits de l’homme : quantité de choses se sont améliorées un peu partout dans le monde, explique Steven Pinker dans Le Triomphe des Lumières.
Le monde va-t-il de mieux en mieux ou de mal en pis ? Les deux, semble-t-il. En janvier 2018, le magazine Time publiait un dossier intitulé « Les optimistes ». Rédacteur en chef invité du numéro, Bill Gates constatait que, dans l’ensemble, les choses s’amélioraient. Le même mois, le Bulletin of Atomic Scientists rapprochait de trente secondes les aiguilles de son « horloge de l’apocalypse » : la fin du monde était plus proche que jamais. Ladite horloge a été créée à la fin des années 1940 pour mettre en évidence le risque d’un holocauste nucléaire. D’autres menaces y ont été ajoutées depuis : le changement climatique en 2007, le bioterrorisme et l’intelligence artificielle en 2015. La liste n’est sûrement pas close. Les aiguilles de l’horloge ont été déplacées vingt-trois fois depuis 1947, le plus souvent en direction du pire. Mais ce n’est bien sûr qu’un gadget : la seule chose qu’elle mesure, c’est le degré d’inquiétude éprouvé par un groupe de scientifiques et d’universitaires.
À l’inverse,...