Ses théories sur l’« accélération » du temps et ses effets néfastes sur nos sociétés lui ont valu une belle notoriété outre-Rhin (
lire l’entretien dans Books n° 15, septembre 2010). Dans son nouvel ouvrage, le sociologue Hartmut Rosa propose la « solution » à cette quête frénétique et déshumanisante du toujours plus, toujours plus vite. Ce n’est pas la « décélération », mais ce qu’il appelle la « résonance ». Qu’entend-il par là ? C’est justement tout le problème. Rosa la définit comme un rapport au monde dans lequel le sujet ne cherche pas uniquement à s’approprier ce qui l’entoure mais entre en « résonance » avec lui – c’est-à-dire qu’il le transforme tout en se laissant transformer par lui. Tout au long des 800 pages de l’ouvrage, le sociologue tente de rendre son idée la plus concrète possible : il compare par exemple deux femmes imaginaires, l’une nommée Anna, l’autre Hannah, dont les existences sont en tout point semblables. Simplement, l’une est heureuse, l’autre pas. L’une apprécie sa famille, le soleil sur sa peau et le fait de jouer au volley ; l’autre n’est pas vraiment en phase avec son époux et ses enfants, elle se sent agressée par la lumière qu’elle trouve trop forte et se demande ce qu’elle fait dans cette salle de sport... L’une est en « résonance » avec le monde. L’autre pas. « Ce concept, que Rosa ne parvient à saisir qu’au moyen de métaphores et d’incantations, reste vague », déplore Jens Binsky dans le
Süddeutsche Zeitung. Dans le
Zeit, le philosophe Dieter Thomä regrette une certaine « tendance au blabla ». Des jugements trop sévères aux yeux d’Helmut König, du
Neue Zürcher Zeitung, pour qui cette théorie de la résonance, en dépit de son flou, est féconde.