Quand les chrétiens se déchainaient à Palmyre
En août 2015, Daech saccage la ville antique de Palmyre en Syrie. Horreur et désolation. Pourtant, Palmyre n’en est pas à sa première profanation : en 385 après J.-C., les chrétiens avaient fait pire: ils avaient même décapité et profané la statue d’Athéna. En effet, explique Catherine Nixey dans The Darkening Age, sitôt qu’en l’an 312 le christianisme prend la main (avec l’empereur Constantin), il cherche à faire table rase des religions précédentes. Au polythéisme accommodant et tolérant succède un monothéisme rigoriste, intransigeant et jaloux. Les temples sont détruits, les idoles abattues, les bosquets sacrés rasés, les statues défigurées, les inscriptions effacées. Les « paralibani », des séides aux ordres du clergé, se déchaînent, mais pas seulement eux : des saints hommes comme notre Saint-Martin nettoient La Gaule de ses sanctuaires païens. Et s’il ne s’agissait que des pierres… On brûle aussi les ouvrages philosophiques et autres, voire les bibliothèques (celle d’Alexandrie, par exemple, avec ses 700 000 ouvrages) ou même les philosophes, comme la fameuse Hypathia (en fait elle a été écorchée vive). « La chaîne d’or », longue de près d’un millénaire, qui reliait les philosophes de la Grèce classique à ceux de l’ère chrétienne est brutalement sectionnée, et les sept derniers membres de l’académie platonicienne doivent se réfugier… en Perse. Les premiers siècles de la chrétienté sont bien, comme dit le titre de cet ouvrage, « une époque de déclin ». Il faudra attendre plus de dix siècles pour retrouver les Lumières.
A lire dans Books: « La guerre culturelle fait partie intégrante du djihad », mai 2015.