Publié dans le magazine Books n° 67, juillet - août 2015. Par Patricia Storace.
Depuis toujours, la cuisine raconte la vie, la mort, le destin, comme nulle autre activité humaine. « Je mange, donc je pense », aurait pu écrire Descartes. Les écrivains, les peintres ou les cinéastes sont les meilleurs chroniqueurs de notre rapport au goût et de ses transformations. Et si la gourmandise était un péché artistique ? Réponse en dégustant ces délicieuses miscellanées culinaires.
Au XVIIe siècle, tandis que la dynastie Ming s’effondrait, Zhang Dai, le grand historien et mémorialiste de l’époque, révisa « L’histoire de la cuisine » qu’avait écrite son grand-père Zhang Rulin. Il la rebaptisa « Recueil d’un vieux glouton ». Dans sa préface, seule partie de l’œuvre à avoir survécu, il cite de nombreux classiques de la gastronomie chinoise et décrit l’appétit et les pratiques alimentaires raffinées de Confucius comme une sorte de philosophie incarnée du bien-vivre. C’est en ces termes qu’il justifie la liberté prise de remanier l’ouvrage de son aïeul : « Il m’a été accordé la grâce de pouvoir distinguer le goût de l’eau de la rivière Sheng du goût de celle de la rivière Zi, de deviner si la chair de l’oie venait d’un animal noir ou blanc, de savoir si le poulet a gambadé au grand air ou si la viande a été cuite sur du bois déjà consumé. » (1)
Cet extrême talent gustatif, d’une exquise précision, est l’expression d’une science longuement mûrie, également fondée...