Métamorphoses du trottoir
Publié le 27 septembre 2016. Par La rédaction de Books.
Les voies sur berges, à Paris, sont appelées à devenir piétonnes, si la mairie de Paris parvient à imposer sa démarche volontariste en ce sens. Nous sommes bien loin du processus plus aléatoire qui a donné naissance à ce territoire par excellence du promeneur urbain qu’est aujourd’hui le trottoir. Car le trottoir n’a pas été conçu, à l’origine, pour les piétons. C’est par accident qu’il naît, à Paris, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, comme le rappelle l’historien Laurent Turcot dans Le Promeneur à Paris au XVIIIe siècle. Dans les rues, marcheurs et carrosses partagent alors le même espace jusqu’à ce que les architectes, pour embellir les nouveaux boulevards, décident de planter quatre rangées d’arbres sur les côtés. Ils délimitent ainsi une large allée centrale et des contre-allées latérales. Ces dernières étant trop étroites pour le passage des carrosses, elles deviennent réservées, de fait, aux piétons. Et la réglementation municipale s’empressera de sanctionner cette séparation des espaces de la rue et la création, involontaire, du premier trottoir.
De l’autre côté de l’Atlantique, l’empire du piéton sera très éphémère. Dans Sidewalks, Anastasia Loukaitou-Sideris souligne que les trottoirs étaient souvent, au XIXe siècle, plus propres et mieux pavés que les routes. Mais ils font vite les frais de l’invention de l’automobile, rétrécissant à mesure que la voiture gagne du terrain. Tant et si bien que les responsables locaux « ont fini par se convaincre que créer des trottoirs risquait d’encourager les gens à marcher dans des environnements jugés dangereux », écrit la professeure d’urbanisme. Ce renversement de perspective est entériné dans les années 1930-1940. Jusque-là, les arbres étaient plantés entre le trottoir et la rue ; désormais, ils flanquent les habitations. Le trottoir et les piétons servent ainsi à protéger les voitures des dangers de la végétation. Un changement, soulignent Michael Southworth et Eran Ben-Joseph dans Streets and the Shaping of Towns and Cities, qui expulse une nouvelle fois les piétons des rues. A la même époque, les trottoirs disparaissent d’ailleurs tout simplement de certains quartiers. Les propriétaires préfèrent s’en passer pour protéger leur tranquillité.