Publié dans le magazine Books n° 67, juillet - août 2015. Par Steven Shapin.
Le fromage symbole de la France et l’emblème de la malbouffe ont plus de choses en commun qu’on le croit. L’histoire officielle du camembert relève de la légende, inventée par les fabricants, les scientifiques et… un gastronome américain. Mais nous ne connaissons ni la véritable origine, ni la véritable recette du fromage normand. Seule certitude : avec sa croûte gris-bleu, le produit vendu au XIXe siècle ne ressemblait guère au produit aseptisé qui domine aujourd’hui le rayon fromages des supermarchés.
Le fromage fut l’une des raisons d’être du vandalisme vertueux auquel se livra José Bové en saccageant un McDonald’s en construction à Millau en 1999, épisode qui fit de lui un héros de la contestation en France et bientôt à l’étranger.
Les Américains venaient d’imposer unilatéralement une hausse des taxes à l’importation sur l’excellent roquefort produit dans la région
[l’Aveyron]. Or, si les États-Unis décrétaient le roquefort indésirable, pourquoi la France continuerait-elle d’accepter le double cheeseburger au bacon signé « McMerde » ? La cochonnerie servie par la multinationale américaine était de la « malbouffe » : une nourriture mauvaise pour le consommateur, mauvaise pour les agriculteurs de la « France profonde », producteurs de denrées de qualité, et mauvaise pour le pays. La même année, Bové se rendit à Seattle sur l’invitation de Ralph Nader (1) pour manifester contre l’Organisation mondiale du commerce. Le Français enfonça le clou en introduisant illégalement du roquefort non pasteurisé sur le territoire américain. Il posa pour les caméras en train déguster un sandwich au fromage bleu devant un McDonald’s de la ville, qui fut à son...