La mondialisation du hajj
Publié le 22 septembre 2015. Par La rédaction de Books.
C’est au milieu du XIXe siècle que le pèlerinage à La Mecque, affaire exclusivement musulmane depuis plus de 1 200 ans, devient une affaire internationale. La colonisation (le plus gros contingent de pèlerins vient de l’Empire britannique) bouleverse alors les conditions du voyage à La Mecque, selon l’historienne Sylvia Chiffoleau. Avec le développement de la navigation à vapeur, les compagnies européennes investissent le marché lucratif du transport vers les villes saintes et mettent en service des navires « à pèlerins », explique Sylvia Chiffoleau dans Le Voyage à La Mecque. Le nombre de croyants qui peuvent entreprendre le hajj augmente considérablement. « Le pèlerinage à La Mecque participe ainsi pleinement à l’accélération des mouvements de population de la première mondialisation », souligne la chercheuse.
Mais cette nouvelle mobilité multiplie les risques d’épidémie. En 1865 : une éruption de choléra d’une rare violence éclate pendant le pèlerinage et décime un tiers des 90 000 hajjis (15 000 meurent sur place). Le retour des fidèles chez eux propage la maladie à travers le monde. Pour les puissances coloniales, la Grande-Bretagne et la France notamment, c’est l’occasion d’intervenir dans la gestion administrative du pèlerinage. Un dispositif de contrôle d’une rigueur inouïe est mis en place : « Jusqu’au début des années 1950, rappelle Sylvia Chiffoleau, tous les pèlerins se rendant par mer à La Mecque en venant d’Asie, puis tous ceux qui en repartaient en se dirigeant vers le nord et l’ouest des régions musulmanes, étaient interceptés et placés en quarantaine. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de pèlerins, mis à nu, étaient soumis à de sévères procédures de désinfection puis internés dans des campements pour quelques jours, ou plusieurs semaines lorsqu’une épidémie s’était déclarée lors du pèlerinage, ce qui était fréquent. Aucun autre groupe de voyageurs, pas même les migrants, n’était soumis à telles mesures. »