Publié dans le magazine Books n° 77, juin 2016. Par Erik Parens.
Une percée technologique ouvre une nouvelle perspective, celle de pouvoir modifier un gène défectueux chez l’enfant à venir. Ce bouleversement nous oblige à faire face de manière inédite à cette vieille question : qu’est-ce qu’être un bon parent ? En filigrane, l’inévitable tension entre le devoir de modeler son enfant et celui de l’accepter tel qu’il est.
Quand fut lancé en 1990 le projet international de séquençage du génome humain, tout le monde ou presque était d’accord : exploiter la génétique pour modeler les générations futures constituerait une forme d’eugénisme, entreprise dont le caractère répréhensible était si manifeste que personne n’éprouvait le besoin d’expliquer pourquoi. Les connaissances apportées par le projet, pensait-on unanimement, ne seraient jamais utilisées pour modifier les cellules germinales – spermatozoïdes et ovules – ni les embryons.
C’était facile à dire, personne n’imaginant à l’époque que cela puisse devenir possible un jour de façon sûre et efficace. De l’avis général, le recours aux technologies alors disponibles engendrerait un grand nombre de fœtus non viables, ou qui survivraient avec pour seule perspective une existence de souffrance infinie.
Mais aujourd’hui, il semble que les obstacles techniques appartiennent au passé. En avril 2015, dans la revue Science, d’éminents chercheurs et spécialistes de l’éthique se sont prononcés en faveur d’un débat public sur une nouvelle technologie de génie génétique qui, au moins en principe, pourrait être exploitée...