Faux, comme une fable de La Fontaine
Publié le 1 octobre 2015. Par La rédaction de Books.
Charles H. Bennett
La moitié des fourmis se tournent les pattes toute journée. Des biologistes de l’université d’Arizona ont observé cinq fourmilières et constaté que la moitié des individus n’y avaient jamais aucune activité. Les scientifiques cherchent toujours l’explication à ce comportement, mais la fourmi ne peut d’ores et déjà plus faire la morale à la cigale. Ce n’est d’ailleurs pas la seule entorse à la réalité que se permet la célèbre fable. Le vulgarisateur scientifique Louis Figuier, dans son ouvrage consacré aux insectes, a relevé les petits arrangements de Jean de La Fontaine avec la vérité. Redécouvrez les vrais visages de la cigale et de la fourmi.
La fable de la Cigale et la Fourmi, de la Fontaine, est pleine d’erreurs l’histoire naturelle. Rien n’est plus facile que de le prouver. Dès les premiers vers, l’auteur prouve qu’il n’a jamais observé l’animal dont il parle.
La Cigale ayant chanté
Tout l’été.
Aucune Cigale n’a pu chanter tout l’été, attendu que sa vie dure à peine quelques semaines.
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
« Quand la bise fut venue » veut dire sans doute le mois de novembre, ou celui de décembre. Il y a longtemps, à cette époque de l’année, que les Cigales ont passé de vie à trépas. Quand on parcourt la lisière des bois, dès le mois d’octobre, dans le midi de la France, on trouve le sol jonché de Cigales mortes. La Cigale de la Fontaine ne pouvait se trouver alors « fort dépourvue », par la raison qu’elle était morte.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi, sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister.
La Fourmi est carnassière, et bien qu’elle aime le miel, elle n’a rien à faire d’un grain de blé ni d’autres grains, dont, selon le fabuliste, elle aurait fait provision. D’autre part, la Cigale à laquelle il reproche de n’avoir
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau,
n’a jamais songé à pareille victuaille, car elle vit uniquement de la sève des grands végétaux.
Les fables du poète que l’on nomme, en France, on n’a jamais su pourquoi, le bon la Fontaine, fourmillent d’erreurs du genre de celles que nous venons de relever. Les mœurs des animaux y sont presque toujours représentées à l’opposé du vrai. Pour s’initier aux habitudes des animaux, la Fontaine n’avait sans doute ni les livres de Buffon, ni les mémoires de Réaumur, qui n’étaient pas encore de ce monde; mais n’avait-il pas le livre de la nature? Comment la Fontaine a-t-il pu négliger une telle source d’enseignement, puisqu’il fait parler les bêtes, et que, dans ses vers, la nature entière dialogue et bavarde comme vous et moi !