De quoi parlent les politiques ?
Publié le 21 mars 2017. Par La rédaction de Books.
Dans le débat qui a opposé cinq des candidats à l’élection présidentielle lundi 20 mars, chacun y est allé de sa petite phrase pour attirer l’attention et, surtout, tenter de susciter l’émotion.
C’est cette dernière qui mène désormais le jeu du discours politique, assure Mark Thompson dans Enough Said. Selon cet ancien patron de la BBC devenu président de la New York Times Company, les hommes politiques délaissent la rhétorique rationaliste au profit d’un discours d’authenticité. Les arguments fondés uniquement sur des faits sont de moins en moins audibles. Le langage de l’authenticité, lui, associe des phrases simples à l’honnêteté de l’émotion et la volonté affichée de s’adresser aux membres les plus déconsidérés de la société. Cette rhétorique revendique la primauté de l’expérience personnelle et la supériorité de la narration sur les faits. L’important n’est pas l’argument en lui même, mais l’histoire dans laquelle il s’insère. Dans cette logique, si une affirmation semble vraie, c’est qu’elle doit l’être.
« Le langage politique est conçu pour que les mensonges paraissent vrais et les meurtres respectables, et pour donner à du vent l’apparence de la solidité », écrivait déjà George Orwell en 1946 dans « La politique et la langue anglaise ». L’écrivain se faisait alors l’avocat d’un discours public purgé de sa pompe, de son jargon et de ses phrases toutes faites. Il prônait surtout l’élimination des formules délibérément vagues et des euphémismes. Le langage se doit d’être, selon lui, franc et clair.
Aujourd’hui un Trump, un Farage ou un Berlusconi ont poussé cette logique jusqu’à la déformer. Comment lutter contre leur novlangue populiste ? En traitant les citoyens comme des adultes et en soumettant à leur jugement critique des discours profonds, étayés et nuancés, préconise Mark Thompson. Mais le discours d’authenticité ne quittera pas la scène de sitôt, puisque le système électoral la favorise inexorablement, s’alarme John Lloyd dans le Financial Times.
A lire aussi : George Orwell, à contre-France, Books, janvier-février 2017; Réapprenons l’art oratoire, Books, novembre-décembre 2016.