Publié dans le magazine Books n° 16, octobre 2010. Par Daniel Alarcón.
L’édition clandestine triomphe à Lima. Le prix exorbitant des ouvrages traditionnels et l’appétit de lecture des Péruviens ont fait de ce marché parallèle un poids lourd de l’économie. Du vol ? Certes, mais aussi un signe de popularité. Pour être honnête, tout bon auteur rêve d’être piraté, confie l’écrivain Daniel Alarcón.
Au Pérou, les nouveaux livres – je parle des nouveaux livres édités légalement – se vendent avec l’autocollant « ACHETEZ L’ORIGINAL » : une petite astuce imaginée par l’industrie éditoriale pour faire face à la menace des pirates. Mais à vrai dire, au Pérou, être copié, c’est en quelque sorte figurer sur la liste des
bestsellers. Je connais un écrivain qui, à la fin de toutes ses conférences, invite le public à acheter son ouvrage « avant qu’il ne soit contrefait ». Quand je lui en ai demandé la raison, il m’a avoué qu’on ne l’avait en réalité jamais piraté, mais qu’il avait bon espoir. Un jour, le romancier reconnu Alonso Cueto m’a raconté que le revendeur clandestin de son quartier lui fournissait, sans qu’il le lui demande, l’état de ses ventes. Au début, il s’en indignait ; depuis, il a appris à le tolérer. Ce qui est moins tolérable, c’est que le même vendeur se sente autorisé à prodiguer à l’écrivain des conseils sur les sujets potentiellement plus vendeurs.
Quoique le piratage existe dans toute l’Amérique latine – comme dans tous les pays en voie...